Je ne doute pas un seul instant que vous connaissiez le sens de cette expression. Mais ce que vous ignorez peut-être, ce sont les différentes significations qu’elle a pu avoir par le passé. Voilà la raison de cette publication.
Poser un lapin : une expression au sens univoque
Aujourd’hui, la locution verbale « poser un lapin » n’a qu’une seule signification. Et son abondant emploi dans des contextes appelant l’utilisation d’un registre de langue familier fait de cette expression l’une des plus usitées. Elle signifie simplement « ne pas répondre présent à un rendez-vous pour lequel on s’est normalement engagé ». Mais avant que cette assertion ne s’impose, l’expression en a connu une autre signification.
Le sens de « poser un lapin » dans ses premiers emplois
Les tout premiers emplois de l’expression « poser un lapin » datent des années 1880. Elle a d’abord servi à caractériser le comportement d’un homme qui omet de rétribuer les faveurs d’une femme galante. C’est le lexicographe Gaston Esnault qui souligne cette signification de la locution dans son Dictionnaire historique des argots français.
On note déjà dans cet emploi de l’expression une nuance d’engagement non tenu, perceptible dans son sens actuel. En effet, sans être coutumier de ces genres particuliers de transaction, on imagine que la conclusion de l’acte doit être l’aboutissement d’un contrat, fût-il oral.
De cette signification au sens actuel généralisé de l’expression, il n’y a qu’un pas. Prendre un engagement et ne pas le tenir à l’endroit d’une femme de petite vertu porte en filigrane l’obligation morale attachée à un rendez-vous conclu entre deux personnes. Voilà la trajectoire suivie dans l’histoire par l’expression « poser un lapin ».
En guise d’illustration
Lisez plutôt cet extrait des Hommes de bonne volonté de Jules Romains « Vous vous rendez compte, lui expliqua le relieur, qu’il n’est pas question une seconde que vous me posiez un lapin. Vous vous dites qu’une fois sorti d’ici… oui… mais supposez que ce soir vous manquiez au rendez-vous. Hein ? et que je veuille absolument vous retrouver ? ».
Peut-on illustrer plus clairement l’expression « poser un lapin ?
Il ne vaut mieux ne pas souhaiter vivre une telle expérience si cela ne vous est encore jamais arrivé par le passé. En réalité, une personne tombée dans les pommes ne doit pas en avoir un bon souvenir. Pourquoi ?
Signification de l’expression « tomber dans les tombes »
La signification de cette expression, tomber ou être dans les pommes, ne fait l’objet d’aucune controverse au point de vue sémantique. La locution signifie en effet « s’évanouir, perdre connaissance ». Cette explication s’est fixée définitivement depuis la fin du XIXe siècle suivant les écrits du typographe Émile Chautard. Au sujet du sens de l’expression, tous les lexicographes sont unanimes. Il n’en est pas ainsi pour son étymologie.
L’origine plurielle de la locution « tomber dans les pommes »
Indiquer l’origine exacte de cette expression est loin d’être une tâche facile. À l’instar d’Albert Dauzat, certains linguistes la tiennent comme une forme édulcorée du terme inusité « pâmes » ayant donné pâmoison. La proximité sémantique de « tomber en pâmoison » et de « tomber dans les pommes » conforte cette explication. Mais comment un mot, pâmes en l’occurrence, qu’on a cessé d’utiliser depuis la fin du Moyen-Âge a pu engendrer une expression découverte au XIXe siècle ?
Devant ce mystère, une autre explication de l’origine de l’expression la rapproche d’une métaphore utilisée pour la première fois par Georges Sand. Dans un échange épistolaire avec son arrière-grand-mère, la romancière dit « être dans les pommes cuites » pour signifier qu’elle ressent une fatigue à la lisière de l’abattement. Ce mot de la baronne, sous l’influence de « pâmoison », a pu donner naissance à l’expression « tomber dans les pommes ».
Un exemple d’emploi de la locution
Comme vous le constatez, rien n’est certain sur l’origine de l’expression. Ce qui est sûr, « tomber dans les pommes » n’a rien de plaisant comme l’écrit Albert Camus dans son adaptation au théâtre du Requiem pour une nonne de William Faulkner : « [Gowan Stevens] se bourre d’alcool comme un régiment de gentlemen, démolit sa bagnole, se ressoûle à mort et tombe dans les pommes ».
Souhaiteriez-vous tomber dans les pommes, vous ?
C’est l’une des expressions les plus utilisées en France. Et je ne doute pas un seul instant que vous ne puissiez pas en connaître la signification. Est-ce à cause du contexte très particulier où elle peut s’employer que l’expression « prendre son pied » est si répandue ?
« Prendre son pied » relève du vocabulaire de sexualité
Aujourd’hui, l’expression signifie : « atteindre le sommet de la jouissance au cours d’une relation sexuelle ». Cette assertion convient à n’importe quel contexte, que l’expression se rapporte à un homme ou à une femme. Mais comme vous le verrez, les expressions de par leurs origines réservent des surprises !
Origine de la locution verbale « prendre son pied »
Lorsqu’elle fut utilisée pour la première fois, l’expression n’avait pas le sens qu’on lui connaît de nos jours. Le nom « pied » y évoquait même une autre réalité que l’organe de locomotion humain. Selon le linguiste Gaston Esnault, ce mot désignait une unité de mesure dont se servaient les brigands pour partager leur butin. Celui d’entre eux qui disait « avoir pris son pied » était satisfait de la part reçue.
L’expression a ensuite signifié «prendre sa part du plaisir » lors d’une relation sexuelle, mais parlant uniquement de la femme. Et c’est à la dernière étape de son parcours sémantique à travers l’histoire que « prendre son pied » étend son sens à la gent masculine qui désormais prend aussi son pied. Peut-être après sa partenaire ?
Le sens actuel de l’expression à travers un exemple
Qui d’autre que Louis-Ferdinand Céline pour nous faire apprécier l’expression « prendre son pied » dans toute sa truculence ? Voici à cet effet un extrait de Mort à crédit : « Le râleux facteur l’a surprise un soir, derrière la chapelle, à l’extrémité du hameau, qui prenait joliment son pied avec Tatave, Jules et Julien ! ».
Avouez qu’on ne peut pas faire mieux que ce cher Louis-Ferdinand !
Être fleur bleue, cela n’a rien à voir avec les fleurs hyper ornementales aux couleurs bleues comme l’hortensia, le crocus, l’anémone ou encore la gentiane. Même si vous connaissez la signification de cette expression, êtes-vous sûr d’en maîtriser l’origine ? Lumière sur la question.
Ce que signifie l’expression « être fleur bleue »
À l’examen de la composition de l’expression, on remarque un groupe nominal, « fleur bleue », qui prend la valeur d’un adjectif qualificatif. Cela explique certainement pourquoi certains dictionnaires de langue étiquettent « fleur bleue » comme une locution adjective. Mais d’autres ouvrages désignent le même groupe nominal par adjectif composé.
Quelle que soit sa nature grammaticale, « fleur bleue » possède une signification connue de tous. On désigne ainsi une personne portée à un tel degré de sentimentalité qu’elle en devient naïve. « Être fleur bleue » peut donc être utilisée à bonne part comme elle peut avoir une connotation péjorative. D’où vient cette double nuance du mot ?
Origine de la locution « être fleur bleue »
Une première tentative pour localiser le point de départ de cette expression oriente vers la symbolique des fleurs. Les experts en langage des fleurs savent bien que le bleu pâle traduit une tendresse qui n’est perceptible qu’à certains signes discrets.
Cependant, c’est d’outre-Rhin que nous est venue en réalité cette expression. En Allemagne au XIXe siècle, l’écrivain Friedrich von Hardenberg, plus connu sous le nom de Novalis, laisse inachevée son Å“uvre Henri d’Ofterdingen. Ce roman éponyme retrace l’aventure d’un poète lyrique en quête d’un idéal qui puisse assouvir sa soif d’amour et de poésie. Henri découvre l’amour en même temps que son art à l’état pur à travers Mathilde qu’il désigne en langue allemande par « fleur bleue ». À l’origine donc l’expression « fleur bleue » renvoie à l’amour et la poésie dans leur sens le plus éthéré. Rien que du beau et du romantique.
Un exemple d’utilisation de l’expression
On retiendra ce morceau de phrase extrait des Beaux Quartiers de Louis Aragon : « …un timide employé de banque, sentimental, prêt à tout croire, épris de petite fleur bleue ». Avec cet emploi de l’expression, n’est-on pas en droit de croire que c’est en France que « fleur bleue » a endossé sa nuance péjorative ?